Activités

Retour des héroïnes guerrières au festival de Cannes

Marie-Claire Kuo (Traduction chinoise : KUO Kwan-Leung pour Popular Movies à Pékin. )

Cannes 22 mai 2015

 

Un film chinois, projeté en compétition au festival de Cannes en 1975, est resté dans toutes les mémoiresAlors que la Chine continentale était en pleine révolution culturelle, A Touch of Zen (Xia nü) de King Hu / HU Jinquan, était aux antipodes du cinéma révolutionnaireIl fit sensation et devient immédiatement un film culte.

Réalisé en 1969 à Taiwan, c’est l'œuvre d’un lettré très marqué par l’esthétique des arts traditionnels (peinture, calligraphie, opéra de Pékin) mise au service du genre populaire des films de chevaliers errants (wuxia pian), très populairà Shanghai dans les années 1920 et 1930 et ensuite un peu oublié, que Hcontribue à faire renaître à Hong Kong et à Taiwan grâce à deux films: Da zui xia / Come an drink with me  et Longmen kezhan/ Dragon Inn (1967) dont l’extraordinaire succès pousse une compagnie de Taiwan, la Union Film à lui donner carte blanche pour le film suivant . Achevé en 1971, Xia nü / ATouch of Zen (en deux parties) obtientle prix de la meilleure réalisation auGolden Horse Awards en 1972Cependant, dans un marché plus favorable aux films commerciaux qu’aux films d’auteurs, c’est un échec sur le plan du box-office.

En 1975, A Touch of Zen est présenté en compétition à Cannes, grâce à Pierre Rissient qui l’a vu à Hong Kong et en est tombé amoureux. Avec ce film de trois heures, la critique occidentale, séduite, retrouve avec délectation tout ce qui dans la Chine fait rêver : la beauté des paysages, l’exotisme des décors et de la musique, la fluidité et la grâce des mouvements, la musique et la poésie. Elle est également impressionnée par la mise en scène très élaborée, notamment dans les scènes de combats, chorégraphiées dans un style éblouissant qui fera école (Plus tard, LEE Ang s’en souviendra dans Tigre et dragon et ZHANG Yimou reprendra la célèbre scène de la forêt de bambous) dans son Secret des poignards volants. King HU est un maître en la matière. Artiste avant tout, il ne se soucie ni du temps ni de l’argent et travaille le moindre détail jusqu’à s’approcher le plus possible de la perfection. L’histoire tirée du célèbre recueil de PU Songling : le Liaozhai zhiyi / Contes de l’étrange débute dans un vieux temple hanté, dans une atmosphère mystérieuse amplifiée par des effets de brume et de clair obscur savamment filmés et mis en valeur par un accompagnement musical trèsefficaceEnsuite King HU nous introduit dans le contexte historique des exactions d’un eunuque de la dynastie des Ming qu’une jeune fille formée aux arts martiaux ose affronter pour venger son père et sauver sa famille. Impressionné par la beauté, la poésie et le rythme si particulier du filmle jury du festival de Cannes récompense ce qu’il considère comme le plus remarquable dans A Touch of Zen en lui attribuant le « Grand Prix de la commission technique ».

 

En 2015, quarante ans plus tard, quel bonheur de retrouver la magie de ce film à CannesClassiques dans lmême version de trois heures qui a été projetée en 1975A Touch of Zen a été magnifiquement restaurée par l’imagine rittrovata de Bologne pour le Taiwan Film Institutavec la participation de l’actrice fétiche de King HU, HSU Feng que ce film plus encore que Dragon Inn, a rendue célèbre dans la monde entier. Non contente d’apporter à la remise en état de ce chef d’œuvre une aide essentielle le plan financierHSU Feng a personnellement suivi toutes les étapes de sa restauration et le filmi a pleinement retrouvé sabeauté originale. HSU Feng a un lien particulier avec le festival de Cannes puisque devenue productrice quelques années plus tard, elle propose à CHEN Kaige de réaliser Adieu ma concubine, lauréat de la palme d’or en 1993. 

Dans les films de King HU, HSU Feng incarne le rôle d’une héroïne guerrière, belle, farouche et si forte en arts martiaux qu’elle sort toujours victorieuse des combats les plus difficilesLa tradition des wuxia, ces chevaliers, au service d’une noble cause, est ancienne en Chine comme l’est au Japon celle des samouraïs. Mais alors qu’au Japon seuls les hommes peuvent être samouraïsen Chine il y a des nü wuxia (littéralement des héroïnes guerrières). Il est à priori surprenant que dans une société où les hommes ont toujours eu l’avantage on puisse trouver ce genre de personnage mais il a des racines très anciennes et s’est très tôt imposé dans la littérature et le théâtre dans lesquels ces guerrières, dont la beauté, l’élégance et la fragilité sont alliées à une volonté de ferapportent une note féministe très romantique.

Sans qu’on puisse en être sûr, on pense que l’origindu personnage des nü wuxidoit être cherchée dans la légende (datant probablement du Ve siècle) de Hua Mulan, jeune fille initiée dans son enfance aux arts martiaux, qui se déguise en homme pour remplacer son vieux père. recruté de force pour aller combattre les Huns. Elle se bat comme un homme et restedouze ans sur le front avant qu’on découvre son sexe. Sous la dynastie des Tang, d’autres histoires d’héroïnes guerrières sont relatées dans la genre  littéraire des chuanqi (),courtes relations d’évènements extraordinaires, en chinois classiqueA l’époque, ces histoires étaient si populaires qu’elles ont ensuite été reprises par la littérature et le théâtre.

Cette année au festival de Cannes, le film de HOU Hsiao-hsienNIE Yinniang / Tha Assassinsélectionné en compétitions’inspire lui aussi d’un chuanqi des Tang consacré au personnagedevenu célèbre de NIE Yinniang, qui enlevée à l’âge de dix ans par une nonne taoïste et initiée aux arts martiaux, réapparait cinq ans plus tard, transformée en implacable justicièreque la nonne envoie assassiner des grands personnages dont elle condamne le comportement. L’histoire se passe à la fin de la dynastie des Tang au moment où les grandsfeudataires se révoltent contre le pouvoir impérial qu’ils finissent par renverser. D’abord totalement soumises aux ordres de la nonne, NIE Yinniang fait preuve de beaucoup d’audace en osant désobéir à l’ordre d’exécuter le cousin dont elle est secrètement amoureuse mais si elle le fait ce n’est pas seulement par fidélité à cet amour de jeunesse. Personnalité hors du commun, elle a compris que ces assassinats fragilisent l’empire au lieu de le servir...

En se décidant à tourner ce film de wuxia auquel il pensait depuis très longtemps, HOU Hsiao-hsien a travaillé dans une optique totalement différente de celle de ses prédécesseurs. Non content de se démarquer d’un genre qui ne le satisfait pasil a cherché à faire revivre, avec le maximum d’authenticitél’atmosphère de la dynastie des Tang, une des plus prestigieuses de l’histoire chinoise qui le fascine depuis son enfanceAprès avoir mené une enquêteapprofondie sur cette période du haut moyen âge, il en a scrupuleusement reconstitué le cadre de vie, les objets quotidiens, mais aussi les costumes, splendides pour l’aristocratie, austères pour les paysans. Il s’est intéressé à la chorégraphie complexe des danses et à lamusique très raffinée de l’époque, aux croyances superstitieuses et aux pratiques magique. En ce qui concerne l’étiquette, son souci d’authenticité lmême poussé à demander à ses acteurs d’exécuter les gestes très précis attachés à leur position dans la sociétéEnfin il s’est efforcé de faire revivre le contexte politique d’une époque charnière à le veille de la chuté de la dynastie...

A l’opposé des films de wuxia, à la mode aujourd’hui, avec leurs reconstitutions historiques fantaisistes et leurs combats en 3D bourrés d‘effets spéciaux qui se veulent toujours plusépoustouflants, HOU Hsiao-hsien représente, de façon réaliste et austère, des combats violents et très rapidesdans une image cadrée 1.33, à l’ancienne, qui évoquent les vieux films de samouraïs qu’il voyait dans sa jeunesseBien qu’il s’agisse d’un film de Wuxiadans lequel l’héroïnemagnifiquement incarnée par Shu Qi, se bat avec un talent diaboliqueil ne penche sur d’autres aspects de la vie de la jeune fille : sa peur de blesser l’enfant dans les bras de l’homme qu’elle doit abattre, sa joie de retrouver sa mère quant elle retourne dans sa famille, son bonheur quand elle retrouve l’homme qu’elle aime...

Même si les combats très travaillés et stylisés sont particulièrement difficiles à réaliser et demandent une mise en scène d’une extrême précisionil est clair qu’aux yeux de HOU Hsiao-hsien, ils sont loin d’être l’essentiel.  Pour lui le plus intéressant c’est évidemment la façon dont il fait revivre, sous la forme artistique très élaborée qui est la sienne, toute une époque historique pour la première fois représentée à l’écran avec tant de rigueur et d’authenticité. Les dialogues en chinois classique sont parfois trop rapides et peu audiblesetle spectateur risque de se perdre dans l’intrigue peu explicite mais ce n’est pas là le plus important. Il faut plutôt se laisser aller à savourer pleinement la beauté d’une œuvre d’art, travaillée dans les moindres détails avec un souci de perfection inégalée.

Hou Hsiao-hsien et King Hu sont tous deux des lettrés et de grands artistes et Nie Yinniangest un film élitiste comme l’était en son temps Xia nü et Il est certain que ni l’’un ni l’autre de ces deux films ne peut prétendre être grand public,  mais c’est à des degrés différents. En effet, Xia nü est beaucoup plus accessible que Nie Yingniang,  peut-être parce que King Hu était très marqué par la tradition de l’opéra de Pékin qui aussi raffiné et sophistiqué soit-il, peut néanmoins être apprécié autant par les lettrés que par les gens ordinairesIl en va autrementpour HOU Hsiao-hsien qui signe avec Nie Yinniang une œuvre d’artiste admirable, justement récompensée par le Grand Prix du festival de Cannes, mais une oeuvre difficile et que le tout venant aura peut-être un peu de mal à apprécier.

 

Marie-Claire Kuo 

Cannes 22 mai 2015

 

 

POPULAR MOVIES - 两代侠女的相逢

大众电影 2015-06-08 10:20:36

from: https://www.toutiao.com/a4476382285/

 

1975年,戛纳电影节放映了一部给人留下深刻印象的华语电影,这就是胡金铨的《侠女》,这部电影与当时中国盛行的革命电影,在风格上可以说是有天渊之别。影片在戛纳引起轰动,立刻得到不少电影专业人士的赞赏。

胡金铨是一个深受中国传统艺术影响的文人导演。早在1920和1930年代,上海就拍摄过许多很受小市民欢迎的武侠片。 胡金铨在香港拍摄的《大醉侠》和《龙门客栈》(1967年)为武侠片开创了新的境界,又恢复了观众对这一类型片的兴趣。台湾联邦影业公司继续请他拍《侠女》,1971年完成,分上下两集。该片在1972年获得了金马奖。但由于市场对作者电影的关注不够,该片并不卖座。

戛纳放映后,西方影评人都被这部长达三小时的电影吸引住了。因为在片子里他们找到了中国迷惑他们的地方:美丽的风景、异国情调的布景和音乐、流畅优雅的动作、充满诗意的画面。胡金铨调度的打斗场面有如舞蹈动作,美到令人炫目(后来,李安的《卧虎藏龙》和张艺谋在 《十面埋伏》竹林里的武斗场景显然都受到了其启发)。胡金铨无疑是武侠片的一代宗师,但他首先是一位艺术家,不惜耗费金钱和时间,使电影尽量完美。当届戛纳电影节的评委认为该片特殊的优美画面、节奏和诗意是其最惹人注目的地方,因此授予该片 “最高综合技术奖”。

2015年,也就是40年后,戛纳的经典电影单元又再次放映了在1975年放映的三小时版本。意大利的博洛尼亚电影修复所,在影片女主角徐枫的赞助下,为台湾电影资料馆修复了影片。徐枫与戛纳特别有缘。她后来成了制片人,请陈凯歌导演了《霸王别姬》,该片获得了金棕榈奖。

今年的戛纳电影节上,侯孝贤的获奖电影《聂隐娘》改编自唐传奇,也是一出侠女的故事。该片的历史背景是地方割据下的唐朝末期。聂隐娘十岁时被一女尼带走学武。五年后再次出现已身怀绝技。女尼派她暗杀行为不捡的官员,除暴安良。最初,聂隐娘唯命是从。但当女尼命她杀死自己青梅竹马的表兄时,她却再三迟疑,下不了手。 因为她了解一旦表兄被杀,局面会变得更加混乱。

侯孝贤从中学起就迷上了唐朝的传奇,尤其是聂隐娘的故事,一直想把它搬上银幕。在决定拍这部他思之已久的武侠片时,已决定要摆脱流行的武侠片类型,从一个与前人完全不同的角度切入。在对这段时期进行了详尽研究后,他一丝不苟地重新构造了唐朝的生活环境,包括日常用品、富丽堂皇的贵族服饰和简单朴素的平民衣服。他也研究了唐代丰富的舞谱和优雅的音乐,以及民间的迷信和巫术。在礼仪方面,为了真实,他要求每一个演员做好符合他们社会地位的每一个动作。总之,他想努力恢复唐朝末期这个关键时刻的气氛和政治背景。

现在流行的武侠片在历史再现方面常常令人无法信服,而且为了引人注目,打斗场面用了许多的特技。侯孝贤却以写实、简单朴实和极为快速的动作显现了激烈的搏斗。他所用的1.33古典画面框架,是受到他在年轻时常看的日本武士道电影影响。表面上这是一部武侠片,舒淇饰演的聂隐娘是一名功夫高强的冷面杀手,但导演并没有忽略了女侠性格的另一面:片中显示了她在打斗时怕误伤敌人抱着的婴孩而没有下杀手,以及她回家时看到母亲的喜乐等等温情的镜头。

虽然侯孝贤在处理打斗场面时十分用心,但对他来说这不是最重要的。用他独特的艺术形式重新呈现一个历史时代的意境才是他的主旨。很少人能这么认真地,这么真实地在银幕上表达一个历史朝代的气氛。虽然文言文的对白有时候太快了,听来也不清楚,使观众在理解晦涩的故事情节方面碰到困难,但这并不重要,观众应该让自己融入一个精心制作的艺术品里。

侯孝贤和胡金铨两人都是具有艺术家气质的文人导演。就像当年的《侠女》一样,《聂隐娘》也是一部精英主义电影,这两部电影都没有迁就一般观众的品味,但在程度上还是有所不同。《侠女》比《聂隐娘》容易获得观众的接受,大概是因为胡金铨深受京剧传统的影响。京剧虽然是一门优雅精致的艺术,但它却同时受到精英阶层和一般人的爱好。侯孝贤的《聂隐娘》,虽然得到戛纳评委的高度赞赏,授予最佳导演奖,但却不是一部人人都能够欣赏的作品。 

 

撰文/纪可梅(Marie Claire Kuo Quiquemelle)本刊特约记者发自戛纳。本文首发于《大众电影》2015年第11期,未经授权不得转载。